La « dame livide », personnage très effrayant du film d’André Øvredal

Voir ou revoir Scary stories permet de découvrir quelques-unes des créatures effrayantes du dessinateur américain Stephen Gammell

A sa sortie, je crois que Scary stories, le deuxième film américain du Norvégien André Øvredal, n’avait eu aucune interdiction – juste un avertissement. A regarder en famille, alors, maintenant qu’il est sorti en dvd (chez Metropolitan) ? Le choix d’un film d’horreur est souvent un bon compromis pour scotcher parents et enfants devant le poste – unis dans la peur du vampire, du tueur et plus généralement de l’au-delà. Et Scary stories suit le filon Stranger things ou Ça (et au-delà, Super 8) en prenant des ados comme héros. Mais il a fait (un peu) flipper le vieil adulte sensible que je suis. Comme quoi, en racontant les mêmes histoires, ou à peu près, et en utilisant les mêmes recettes pour faire monter la tension, il y a moyen de se laisser un peu gagner par l’histoire, son atmosphère… ou les monstres qu’il révèle.

De fait, la présence de Guillermo del Toro au générique, parmi les producteurs, a logiquement poussé la critique à saluer l’originalité du bestiaire du film : notamment, cette ghoule obèse et blanchâtre, qui peut-être fut humaine un jour et que l’un des personnages croise, le pauvre, dans un couloir. Brrr…  Du pur Del Toro ? Oui et non. Oui, parce qu’il y a fidélité au génie mexicain dans la façon dont les créatures existent et se déplacent – notamment le recours à Javier Botet, l’homme au long corps ultra-fin, qui se glissa déjà sous le maquillage de quelques entités maléfiques dans Crimson peak ou [REC] ; non parce que ces monstres furent inventés, et esquissés, par le dessinateur américain Stephen Gammell (né en 1943) il y a plus de trente-cinq ans.

Car Scary stories est tiré d’une série de livres pour ados, façon Chair de Poule : des histoires à faire peur écrites par Alvin Schwartz (1927-1992), que je n’ai jamais lues, ni pour mon usage personnel, ni à mes enfants, mais dont la puissance d’effroi tenait beaucoup, si j’ai bien compris, à ses illustrations. J’emploie l’imparfait parce que les rééditions de ces ouvrages, pourtant très populaires, les ont expurgés des dessins de Stephen Gammell, corps démembrés (qui se reconstituent comme repousse la queue des lézards), épouvantails épouvantables (et animés), etc. Dès la parution des Scary stories, d’ailleurs, certaines associations de protection de l’enfance jugèrent ces dessins choquants… Sur la « kid horror », lire ce bon papier de Chaosreign.

Au cinéma, Scary stories agrège, (maladroitement, disent ceux qui connaissent le livre) certains des récits d’Alvin Schwartz, qui paraissent souvent bâtis sur le même principe : une effrayante légende urbaine que les gamins du collège aiment à se répéter devient mystérieusement réelle, parce que quelqu’un a été trop curieux, ou a dérangé un ordre fragile… Mais le film affiche une fidélité exemplaire aux monstres crayonnés par Stephen Gammell, lesquels ont la dimension macabre des croquis de Tim Burton – en moins extravagants, donc plus plausibles.

Il y a chez Gammell, né dans l’Iowa, une forte dimension « d’americana » – ses créatures semblent venir d’un temps révolu, elles nous tirent vers un « avant » que la modernité n’a pas su totalement faire disparaître (un peu comme chez Shyamalan, parfois). On a négligé quelqu’un ou quelque chose et ce que c’est devenu, entre le vivant et la chose, merci Lovecraft, vient demander son dû. Sans doute cette mécanique est-elle aussi à l’œuvre dans certains romans de Stephen King. Scary stories n’est pas le film du siècle, mais un peu plus que le produit manufacturé annoncé (de fait, il ne vient pas d’un studio, mais du gros indépendant Lionsgate) : et en matière de tératologie, il nous présente un nouveau maître. On accueille ces créatures avec joie.