La nouvelle pièce de Diastème, La Paix dans le Monde, créée dans le Off Avignon et reprise à Paris, offre à Frédéric Andrau la matière d’une magnifique performance, à l’émotion subtilement retenue.

Simon aime Lucie. D’un amour si excessif, si possessif qu’il a mal tourné, l’a conduit à des accès de violence, contre les autres et contre lui-même, puis à se retrouver enfermé plusieurs années là où l’on tente de soigner ceux qui vivent un peu trop fort. Aujourd’hui que Simon est sorti, commence une autre existence. Qui passera ou non par les retrouvailles avec Lucie, la jeune femme qui, entretemps, a fait sa vie. Simon déroule le fil de ses jours : un peu ceux d’avant, beaucoup ceux d’après, dont on pourra questionner la véracité. La Paix dans le monde : on en rêve tous, sans tout à fait y croire. La paix dans son propre monde intérieur, ça serait déjà pas mal.

Seul en scène, Frédéric Andrau retrouve le personnage qu’il avait habité il y a près de vingt ans, dans La Nuit du Thermomètre, de Diastème, récit des amours adolescentes de Simon et Lucie. Comme s’il s’obligeait à chloroformer des sentiments trop intenses, le comédien donne une infinie douceur à cette confession d’un enfant meurtri, marqué à jamais, sur la joue gauche, du tatouage qui rappelle son amour inoubliable.

A travers sa voix comme murmurée passent la patience et la mesure de celui qui se sait fragile, vaguement bancal sans sa moitié perdue, et qui s’adapte avec sagesse à une vie amoindrie. Dans la petite salle de la Manufacture des Abbesses, ce monologue que Simon adresse à Lucie, chaque spectateur peut s’en croire le destinataire secret, confident émerveillé et désolé à la fois. Est-ce que ça peut finir bien alors que sont évoqués, vers de Racine à l’appui, le souvenir d’Hermione et Pyrrhus, pas le couple le plus épanoui du répertoire classique ?

Pour dire ce désarroi, Diastème, ex-journaliste devenu auteur, scénariste et réalisateur, a choisi une langue simple et belle, qui dessine une suite de scènes très visuelles. Au décor réduit au minimum – une longue caisse de bois, qui pourrait être une porte ou un cercueil – viennent s’ajouter des images fixes et animées de Lucie, jouée par Emma de Caunes. Une présence tangible, physique qui fixe l’idéal amoureux de Simon. Sert aussi de contrepoint à son obsession mentale. Au final, le spectacle est un beau moment d’intimité dévoilée, un fragment de romantisme incandescent porté par une grande performance d’acteur. Une émotion discrète nous submerge peu à peu.

La Paix dans le Monde, de Diastème, mise en scène de l’auteur, à la Manufacture des Abbesses, jusqu’au 26 février